Pour la Syrie, le dossier libanais n’est plus un souci...
Par Scarlett HADDAD | 10/06/2010
ÉCLAIRAGE
En se rendant mardi prochain à Damas à la tête d'une importante délégation ministérielle, le président de la République Michel Sleiman cherche à montrer que les relations entre les deux pays ont dépassé le cadre des dossiers en suspens, pour devenir stratégiques. Selon des sources proches de Baabda, Sleiman compte en effet évoquer avec son interlocuteur syrien la situation régionale et les scénarios possibles après l'attaque israélienne contre la « flottille de la liberté ». Il se prépare aussi à parler du blocus imposé à Gaza et des possibilités de son allégement, ainsi que du dossier palestino-israélien et des négociations indirectes et de la tenue du sommet extraordinaire arabe en septembre, pour évaluer ces négociations. Enfin, il compte aussi aborder le dossier du nucléaire iranien et de l'adoption de nouvelles sanctions contre Téhéran. Sleiman veut ainsi imposer son rôle de président qui traite les grands dossiers et reste au-dessus des tiraillements internes. Il a d'ailleurs reçu récemment une délégation de députés des Forces libanaises pour bien montrer qu'il reste à égale distance de toutes les parties libanaises.
Selon des sources proches du Courant du futur, le président Sleiman aurait aussi parfaitement saisi le message transmis par le président Bachar el-Assad au Premier ministre Saad Hariri. À Hariri qui lui demandait, au cours de sa dernière visite à Damas, d'intervenir auprès de ses alliés libanais, notamment le président de la Chambre Nabih Berry et le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, pour faire adopter le projet de loi sur le budget et permettre ainsi au gouvernement de décoller, Bachar el-Assad aurait répondu : « Nous ne voulons pas revenir à la période précédente et intervenir dans les affaires intérieures libanaises. Si vous avez un problème, parlez-en directement avec Berry et Nasrallah. » Ce que Hariri a d'ailleurs fait sans tarder. Il a ainsi tenu deux réunions avec Nabih Berry et une rencontre nocturne avec Hassan Nasrallah, au domicile de ce dernier, selon le communiqué officiel qui mentionne pour la première fois ce genre de détails. Les observateurs veulent voir dans cette précision un signe de la confiance qui règne désormais entre les deux hommes, mais les plus pointus estiment qu'elle est plutôt inutile car nul n'ignore que Nasrallah se déplace en permanence entre plusieurs domiciles...
Selon les informations ayant filtré sur les thèmes abordés au cours de cette rencontre, il semblerait que les deux hommes ont commencé par évoquer la tragédie de « la flottille de la liberté » et la situation à Gaza, avant de passer aux questions libanaises, et notamment au projet de loi sur le budget. Le secrétaire général du Hezbollah aurait de son côté parlé de l'accord sécuritaire signé entre le directeur général des FSI et l'ambassade des États-Unis, souhaitant que cet accord soit suspendu et, selon des sources proches du Hezbollah, le Premier ministre aurait répondu en demandant un peu de temps. « Laissez-moi faire, aurait-il répondu, et je trouverai un scénario qui sauve la face et donne satisfaction. » Les sources proches du Hezbollah précisent que cette rencontre, la première depuis que Saad Hariri a été nommé Premier ministre, a abordé les sujets en profondeur, insistant sur le fait que les relations entre Saad Hariri et Hassan Nasrallah seraient en train de se consolider. Hariri aurait en tout cas évoqué avec son interlocuteur la question des nouvelles sanctions contre l'Iran, dans une tentative de sonder les réactions iraniennes et de préciser l'étape à venir. Nasrallah aurait répondu en répétant que son parti respecte les particularismes libanais et ne s'opposerait donc pas à ce que le Liban s'abstienne de voter au Conseil de sécurité.
Des sources proches de la Syrie précisent toutefois qu'il ne faudrait pas trop miser sur ces nouvelles sanctions, car elles resteraient sans effet décisif, comme les précédentes. Elles seraient simplement destinées à permettre à l'administration américaine de calmer son allié israélien qui réclame sans relâche des mesures directes, voire une attaque militaire contre l'Iran. Les nouvelles sanctions seraient ainsi l'alternative à une guerre américano-israélienne contre l'Iran. Les mêmes sources proches de la Syrie affirment d'ailleurs qu'à Damas, on parle plus de la nouvelle position de la Turquie que des possibilités de guerre. Au cours de ses entretiens avec ses visiteurs, le président Bachar el-Assad insisterait sur la nouvelle donne régionale représentée par la Turquie qui, grâce à sa réaction ferme et digne, a créé un vaste courant international hostile à Israël. Selon le président syrien, le nouveau rôle de la Turquie n'annule pas celui de l'Iran. Au contraire, les deux se complètent, et la Syrie œuvre pour une consolidation de ce nouvel axe tripartite : Syrie-Turquie-Iran. Les mêmes sources ajoutent que le dossier libanais n'est plus le point évoqué en premier par le président syrien avec ses interlocuteurs, car le Liban n'est plus un souci pour Damas, aux dires des sources proches de la Syrie. Avec ses interlocuteurs libanais, Assad se prononce pour que les relations libano-syriennes deviennent utiles pour les deux peuples et souhaite qu'il y ait davantage d'investissements des deux côtés de la frontière. Au sujet d'une éventuelle visite au Liban du président syrien, les sources proches de la Syrie affirment que pour l'instant, il faut compléter l'étude des dossiers ministériels communs aux deux pays. Une visite de la délégation technique libanaise présidée par le ministre Jean Oghassabian est prévue en principe la semaine prochaine. Assad ne devrait donc pas venir prochainement à Beyrouth, même si sa visite est envisagée, d'autant que le président syrien aime surprendre son entourage...
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9 years ago
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