L’imam de Majdel Anjar retrouvé sain et sauf dans la localité de Lala
L'angoisse et le suspense auront duré moins de quarante-huit heures. L'enlèvement, mardi soir, de l'imam de la mosquée al-Rifaï à Majdel Anjar, cheikh Mohammad Majzoub, a suscité une vive tension dans la région, et nombre d'observateurs et de responsables politiques et sécuritaires craignaient un dérapage en raison du caractère très sensible de la région, sur le plan confessionnel. Mais le pire a été évité grâce à l'action rapide et l'efficacité du service des renseignements des Forces de sécurité intérieure, qui ont réussi hier soir à retrouver l'imam sain et sauf dans la localité de Lala, dans la Békaa. Les responsables des FSI recueillaient hier soir la déposition du dignitaire religieux sunnite afin d'élucider les circonstances de son enlèvement.
Le rapt de cheikh Majzoub avait suscité un tollé au cours des dernières vingt-quatre heures, notamment dans les milieux sunnites. Autrement plus corsée, la réaction des habitants de Majdel Anjar avait abouti hier à la fermeture de la route de Masnaa.
C'est à partir de 23h, mardi dernier, que la famille du dignitaire sunnite avait constaté sa disparition alors qu'il se dirigeait vers le nord du village. Sa voiture avait été retrouvée à l'entrée de la localité, phares allumés et moteur en marche.
Le ministre de l'Intérieur, Ziyad Baroud, avait affirmé hier en fin de journée, avant que l'imam ne soit retrouvé, que « cette affaire est rigoureusement suivie par les services de renseignements de l'armée et des Forces de sécurité intérieure ». Le ministre a indiqué que la localité où a eu lieu l'enlèvement « avait connu par le passé des dissensions internes, chose qui a été prise en compte dans le cadre de l'investigation », a-t-il dit.
Interrogée par L'Orient-Le Jour, une source sécuritaire autorisée qui a suivi de près l'enquête avait indiqué que « des efforts exceptionnels sont déployés » pour retrouver le dignitaire religieux. La source, qui faisait part de ses craintes quant à une réaction négative à Majdel Anjar de la part des habitants, avait assuré que les recherches devraient aboutir sous peu. Interrogé sur les motifs qui seraient derrière ce rapt, le responsable sécuritaire avait affirmé qu'il s'agissait plutôt d'un règlement de compte personnel, mais il avait préféré attendre la fin de l'enquête pour se prononcer de manière plus catégorique.
La réaction des habitants de Majdel Anjar ne s'est d'ailleurs pas fait attendre. Deux jours après la disparition de l'imam, les habitants avaient coupé la route de Masnaa en signe de protestation. Pour juguler la tension, les députés de Zahlé, Assem Araji, Tony Abou Khater, Joseph Saab Maalouf, et le coordinateur du Courant du futur dans la Békaa, Ayoub Kaz'oun, s'étaient immédiatement rendus chez le père du dignitaire religieux et avaient tenu une réunion avec sa famille et les notables de la localité.
À l'issue de la rencontre, M. Araji, qui a exprimé sa solidarité avec la famille Majzoub, a précisé qu'il n'y avait encore « aucune indication sur la partie qui est derrière l'enlèvement », soulignant qu'un travail sérieux est effectué afin de dévoiler les dessous de l'affaire.
S'adressant aux habitants de Majdel Anjar et à la famille Majzoub, M. Araji les avait exhortés « à garder le calme et à faire preuve de patience pour parvenir à des résultats concluants », espérant que cet incident ne prenne pas une mauvaise tournure en suscitant un problème avec l'armée.
Prenant la parole à son tour, le père de l'imam, cheikh Abdel Fattah Majzoub, avait insisté sur la nécessité de mettre un terme à ces actes « auxquels se sont habitués les gangs dans ce pays », affirmant toutefois qu'il n'accuse personne. Il avait appelé l'État à assumer ses responsabilités et, surtout, à faire en sorte que « la dignité d'une figure religieuse sunnite soit protégée et sauvegardée ». Cheikh Abdel Fattah Majzoub avait appelé les hauts responsables politiques et sécuritaires, « à commencer par le chef de l'État, le Premier ministre et les forces de l'ordre » à faire le nécessaire « afin d'éviter la discorde », a-t-il dit.
« Nous avons patienté, et nous patienterons encore, et nos jeunes feront preuve de sagesse, pour un court laps de temps cependant », avait ajouté le père, qui s'est dit étonné par la « légèreté des explications avancées par les forces de l'ordre jusque-là, notamment le fait que le motif pourrait être financier ».
« Nous n'avons pas l'intention de faire la guerre à l'État qui est le nôtre. Nous avons souffert d'injustice de la part de l'État, surtout de la part des services de sécurité, et nous ne réagirons pas de la même manière », avait-il affirmé.
Évoquant l'interruption de la circulation sur la route de Masnaa du fait de l'action des jeunes du village, cheikh Majzoub avait précisé que les forces de l'ordre « ont fait dévier la circulation pour éviter tout éventuel accrochage avec les protestataires ». Ce n'est qu'après l'intervention de l'ancien président de la municipalité, Sami el-Ajmi, et de l'oncle de la victime que les manifestants se sont éparpillés « afin de laisser le champ libre aux forces politiques pour poursuivre l'investigation et retrouver cheikh Mohammad Majzoub », a-t-il dit. « Si cette affaire n'est pas éclaircie, nous prendrons d'autres mesures », avait menacé le père.
Condamnations dans les milieux sunnites
L'enlèvement de cheikh Majzoub a suscité plusieurs condamnations dans les milieux sunnites notamment. À Dar el-Fatwa, le mufti de la République a organisé une réunion qui a regroupé les ulémas, les imams et les cheikhs pour examiner la question de la disparition d'un des leurs. Les dignitaires sunnites ont estimé par ailleurs que « le rapt de cheikh Majzoub est une tentative claire de déstabilisation et une réédition de la série noire des enlèvements et des agressions contre les citoyens ».
De leur côté, les membres du Front de l'action islamique-Comité d'urgence, qui ont tenu une réunion sous la présidence de cheikh Seifeddine el-Hussami, ont fait paraître un communiqué dans lequel ils ont dénoncé le rapt du dignitaire sunnite, appelant les forces de l'ordre à dévoiler « les circonstances du kidnapping afin que ce type d'incident ne puisse pas se renouveler ». Le texte du communiqué a stigmatisé également « la série noire visant à réprimer les libertés et les opinions divergentes, par le biais du rapt ou des assassinats ». Le communiqué faisait allusion aux éventuelles allégeances politiques de cheikh Majzoub qui, selon son frère et son oncle, aurait été préalablement menacé, notamment au cours de la campagne électorale, en mai dernier. Son frère avait également affirmé qu'il s'était fait des ennemis au sein de l'opposition.
Sur une invitation du responsable politique de la Jamaa islamiya au Liban-Sud, Bassam Hammoud, les membres de la « Rencontre islamique » à Saïda ont tenu une réunion urgente au siège du rassemblement, à l'issue de laquelle ils ont exprimé leur crainte « des suites de cet incident dangereux qui a visé le corps religieux ». Ils ont condamné l'opération de l'enlèvement qui constitue « une menace pour la paix civile et une atteinte aux ulémas musulmans ». Les participants ont exprimé leur « solidarité avec les habitants de Majdel Anjar et avec Dar el-Fatwa », affirmant être « aux côtés du mufti de la République ».