Les excuses de l’Etat ne sauraient faire taire le besoin de vérité et de justice
Au lendemain de la journée internationale des disparus, M. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’Homme (CNCPPDH), dans une déclaration publiée au Quotidien d’Oran, estime que « l’Etat devrait présenter ses excuses officielles aux familles de disparus » et qu’« il doit leur donner un statut spécial ».
Au premier abord, cette déclaration force la satisfaction dans la mesure où elle semble présager d’une évolution dans le traitement du dossier des disparus à un niveau institutionnel. Toutefois, et de manière décevante, une lecture attentive de cette déclaration démontre une vision extrêmement restreinte de ce que doit être une réhabilitation pleine et entière.
M. Ksentini qui prône le dialogue, a manifestement tendance à favoriser les compromis proposés par le pouvoir et ne se semble pas entendre les voix des familles. Il affirme, sans s’aventurer à expliquer pourquoi, que la Vérité et la Justice sont irréalisables. Pourtant, en 2005, à l’issue du Mécanisme ad hoc, M. Ksentini avait bien affirmé que la Vérité passait par la recherche des corps des personnes disparues : « Il y a 3300 personnes inhumée sous x dans les cimetières algériens. Chaque dépouille doit être identifiée par l’expertise génétique de type ADN, un procédé à la fois difficile et couteux » [1] donc réalisable. Les familles de disparus déplorent le manque de persévérance dont le Président de la CNCPPDH fait preuve et la facilité avec laquelle il revient sur ses déclarations chaque fois que celles-ci n’arrangent pas le pouvoir politique ou militaire.
Les droits de l’Homme sont une culture et si la CNCPPDH ne peut pas, à elle seule, mener l’Algérie vers un Etat de droit, elle se doit d’y contribuer, en s’ouvrant à la société civile et en faisant de cette culture la sienne de manière indétournable. Or, l’indemnisation des familles de disparus conditionnée par un jugement de décès, que M. Ksentini se glorifie d’avoir arrachée, est à l’opposé de la culture des droits de l’Homme. L’indemnisation n’a de valeur que si elle est l’aboutissement du processus de vérité et de justice et sans condition. En l’absence de ce préalable, l’indemnisation est manipulation et chantage.
Aujourd’hui sur fond de projet de généralisation de l’amnistie, M. Ksentini préconise des excuses officielles. Les excuses que l’Etat doit aux victimes n’auront de valeur que si elles sont accompagnées d’une réelle volonté concrétisée par des actes. Avant toute excuse, les familles de disparu(e)s attendent de l’Etat algérien qu’il se soumette à ces obligations internationales et qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour faire la lumière sur le sort de tous les disparus.
Le CFDA et SOS Disparus, cette « minorité active » qui représente en réalité une grande majorité des familles de disparus, rappellent que les indemnisations et les excuses de l’Etat ne sont que des éléments de réparation et ne sauraient faire taire le besoin de vérité et de justice.
Alger, le 3 septembre 2009
Fatima Yous, Présidente de Sos Disparus
Nassera Dutour, Porte-parole du CFDA
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9 years ago
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